Lettre d'une motobêche.
Je viens de recevoir une lettre. Une vraie lettre en vrai papier, avec de la vraie encre, envoyée dans une vraie boite aux lettres et ouverte avec mes vraies mains. Elle commence par : « Mon ami jardinier », et m’apprend que ma manière de jardiner va changer radicalement. Ils savent bien que j’ai du mal à m’imaginer qu’une machine d’à peine neuf kilos puisse effectuer, aussi bien qu’une grande, tous les travaux de préparation des massifs et des plate bandes de mon jardin. Je ne sais pas qui leur a dit de s’adresser à moi.
Je suis contente qu’on m’appelle « mon ami jardinier » déjà. (J’aime aussi beaucoup recevoir des spams qui m’invitent à agrandir la taille de mon pénis). D’abord, c’est sympa de savoir qu’on a des amis. Et puis ils auraient pu m’appeler « mon ami routier », « mon ami inspecteur des impôts », mais non, ils ont choisi « mon ami jardinier ». C’est flatteur, c’est une marque de confiance à priori. Je ne sais pas s’ils sont au courant que chez moi, toute plante qui s’installe sur mon balcon, même la plus résistante, même celle qui aurait droit au statut de chiendent, crève au bout de trois jours chrono.
La circulaire dit ceci : Si vous envisagez d’acquérir une motobêche, c’est MAINTENANT la meilleure époque pour EXIGER de plus amples informations. Notre motobêche est TRES différente des autres motobêches que vous avez vues ou dont vous avez entendu parler ».
Je n’ai JAMAIS de ma vie entendu parler d’AUCUNE motobêche. (J’ai remarqué que les fascicules de scientologie utilisent le même système de majuscules à tendance hypnotique. )
Suit
l'inévitable témoignage du lecteur conquis (ils disent fan pour
la VIE) que je ne peux m'empêcher de transcrire ici . Ca ressemble à
une sorte de roman rural, avec en contrepoint un vague sous
texte libertin et incestueux vers la fin. Ca dit :
"Voilà plus de 30 ans que je suis un
jardinier passionné et, toutes ces années, j'avais toujours emprunté ou
loué des motobêches. Lorsque mon plus jeune fils quitta la maison pour
aller vivre à des centaines de kilomètres de là, il eut, à son tour,
besoin d'une motobêche. Nous lui avons envoyé de l'argent pour qu'il
puisse s'acheter quelque chose de correct. " (C'est quasiment du Zola) "A
dire vrai, je fus très déçu quand il nous informa qu'il avait acheté
une des vôtres. Je savais ce produit trop petit, trop léger et peu
pratique pour tout jardinier qui se respecte." (L'intrigue
se noue, apparaît la tension père-fils, le père attaché aux valeurs
traditionnelles, face au fils, défenseur de la modernité
révolutionnaire).
"Je suis persuadé qu'il remarqua ma
déception. Et c'est pourquoi, il m'envoya la VIDEO fournie avec la
machine. En outre, il prit la motobêche avec lui lors de sa visite
suivante. Imaginez mon étonnement quand il commença à bêcher mon jardin
d'une seule main. En un rien de temps, le sol durcit (ça chauffe) (pardon, le sol durci) se transforma en une terre fine et légère..."
Le roman finit par un cri de reconnaissance du père et du fils réunis, une sorte de danse nuptiale à la motobêche.
Mais
à la fin de la lettre, aprés les "mon ami jardinier" et tout ça, on
tombe sur cette phrase, que pourrait prononcer un vilain de série B en
se frottant les mains, un horrible docteur fou qui veut anéantir le
monde. Ca dit :
"Nous allons recruter d'autres fans de motobêche pour la VIE".
Et
là, ça devient franchement inquiétant. On dirait une sorte de menace
voilée, non ? L'invasion de profanateurs de sépulture, les coucous de
Midwitch, je vous jure, comme si, ouais, comme s'ils voulaient nous ramollir la plate
bande à nous aussi.
Comme si, dès qu'on avait lu cette maudite
lettre, on allait, on allait on ne pouvait pas s'empêcher de...co...
coco.. mander.. uuuu.. nn
mo...momo... bêêêêêêêêêê