Un coup pour rien et un chien rose.
En temps normal – je ne sais pas ce qu’on appelle un temps normal, si vous connaissez des temps normaux, s’il vous plaît, faites-le moi savoir ici, quelque part, en tous cas, moi je ne connais que des temps anormaux, distordus dans un sens ou dans l’autre, trop brefs quand ils devraient durer et trop – bref, tout est toujours trop ou pas assez dans ce monde et je ne crois pas faire partie des gens qui se plaignent tout le temps, ou du moins, si j’en fais partie, nous sommes tellement nombreux que le fait que j’en fasse partie ou non n’a aucune influence sur le nombre, de la même façon qu’un vote en plus ou en moins n’a aucune influence sur le résultat du vote et ne venez pas me prétendre le contraire au nom de principes plus ou moins civiques, la preuve, s’il en fallait, c’est que les gens qui habitent au bout de la planète votent après le résultat, je me demande même pourquoi ils continuent consciencieusement à voter au lieu de chanter une ode au soleil levant, ou de se mettre à brailler le nom de leur candidat en plein milieu de la rue, ou de piquer un fou rire à n’en plus finir, ou de faire des tas de bras d’honneur devant la camera, car il se trouve toujours une camera pour filmer les gens au bout de la planète qui votent après le résultat, sans doute parce que c’est quand même une curiosité, et les journalistes qui leur posent des questions font croire à ces pauvres gens que le vote n’est pas terminé, que tout peut encore se jouer, alors que le scrutin s’est déjà fait dépouiller par des cailleras au coin d’une rue glauque, donc en temps normal, je ne fais pas de post de ce genre – je n’aime décidément pas le mot « post », on dirait une sorte de crachat en russe, pour qui ne connaît pas le russe, évidemment, et si on le francisait de la même façon que « courriel », qui est franchement à vomir, ou « mèl », qui, si le ridicule tuait, serait déjà décomposé, cela donnerait « poste », qui ne veut rien dire, ou plutôt si, qui veut dire tout autre chose, l’endroit à deux pas de chez moi qui baisse le rideau de fer quinze secondes avant l’heure officielle de fermeture alors que j’implore en vain à genoux les gardiens du temple en agitant mon recommandé comme si c’était une faveur du Roy, enfin rien que des machins pas chouettes, enfin si, parfois des chouettes, quand le gars d’amazone point fr est passé et que je suis arrivée trente secondes avant l’heure officielle de fermeture et que je n’ai pas oublié ma carte d’identité, parce que le permis, autant vous le dire, ils n’en veulent plus, ou alors « envoi » qui n’est pas trop mal en fin de compte, ça rappelle les derniers vers du sonnet, si, si, « à la fin de l’envoi, je touche » voilà, celui-là, donc en temps normal, je ne fais pas d’envoi de ce genre, du genre où je n’ai absolument rien à dire, et puis à raison d’un envoi par an, autant le soigner un peu, c’est la moindre des choses mais hier y a quelqu’un qui m’a dit que tu m’aimais encore, non y a quelqu’un qui m’a dit « Pourquoi tu n’écris pas dans ton blog, t’as qu’à écrire n’importe quoi, un post – il a dit « post », le bougre, – c’est comme un commentaire , et là ça m’a frappé, je me suis dit finalement, pourquoi je n’écrirais pas juste pour dire que je n’ai rien à dire ?